Le jargon du vélo
Chaque milieu socio-professionnel a son vocabulaire, ses expressions, son jargon, pas toujours compréhensibles pour ceux qui n’en font pas partie. C’est très utile pour se comprendre, mais le choix des mots et expressions, souvent imagés, et même drôles, permet de rester entre initiés. Cela cultive un certain « ésotérisme » ou quelque chose qui y ressemble. Le cyclisme n’a pas échappé à cette règle et ce, dés les débuts de ce sport. N’est-ce pas Henri Desgrange lui-même qui parlait des « Géants de la route, cette noblesse du muscle » ? Les premiers a enrichir ce nouveau monde qu’était alors le vélo sont les coureurs, les membres de cette nouvelle confrérie. Suivront rapidement les journalistes et écrivains, par exemple Albert Londres, et plus près de nous Antoine Blondin.
Albert Londres, par exemple, s’est illustré en dénonçant le caractère inhumain selon lui des épreuves imposées aux coureurs du Tour de France. Auteur de la célèbre formule « les forçats de la route« , il écrit sur « l’impitoyable et intolérable exigence physique réclamée aux cyclistes » et désigne le Tour de France comme étant le « tour de souffrance ».
Je souhaitais écrire non pas un vrai dictionnaire du vélo, mais regrouper dans un même document les expressions du cyclisme, enfin une part significative. Certains termes sont très connus, y compris en dehors du vélo. D’autres ne le sont que des spécialistes. On y côtoie ainsi du jargon contemporain avec du jargon « historique ».
Ce petit dictionnaire, sorte de bréviaire du vélo, comporte aujourd’hui 130 termes ou expressions. A l’avenir, d’autres lignes pourront le compléter.
A
– Adversaire (ajuster un)
Parvenir à devancer un adversaire à l’arrivée dans les tous derniers mètres du sprint.
– Aller au bout
C’est, en étant échappé (seul ou en groupe), parvenir jusqu’à l’arrivée d’une épreuve sans se faire reprendre. Dans ce cas, on dit que l’échappée a été la bonne.
– Asthmatique
Tirer des braquets d’asthmatique, c’est rester sur le petit braquet sur le plat. Terme moqueur pour les non asthmatiques.
– Autobus
Lorsque, ne pouvant suivre le rythme des meilleurs dans une étape de montagne, des coureurs se regroupent à l’arrière jusqu’à constituer un gros peloton avec pour seul objectif de rallier l’arrivée dans les délais, on dit qu’ils sont montés dans l’autobus. On parle aussi de grupetto (cf aussi ce mot).
– Avaler les bosses
Grimper toutes les côtes avec aisance et facilité, sans sentir les pédales.
– Avion
Faire l’avion, c’est dominer tous ses adversaires. Quand on dit qu’un coureur est un vrai avion, c’est qu’il va très vite, et sur tous les terrains en principe.
B
– Bacher
Cela veut dire abandonner. De nos jours, les coureurs disent plus volontiers « mettre la flèche ».
– Basculer
C’est plonger dans la descente après avoir atteint le sommet d’une côte. L’emploi de ce terme traduit aussi le soulagement d’en avoir terminé avec la montée. Dès lors, basculer avec les meilleurs signifie qu’on a le niveau pour passer les cols.
– Bec de selle
Faire du bec de selle, c’est avoir une position avancée sur la selle. C’est pour donner plus de force aux jambes. Sur les vélos spécifiques de contre la montre, c’est souvent le cas. Sur un vélo de route « normal », ce peut être le signe d’un manque de forme.
– Bon de sortie
Un coureur jugé peu dangereux au classement général pourra s’intégrer dans une échappée sans que les équipes des leaders interviennent pour l’en empêcher. On dit qu’il a un bon de sortie (du peloton).
– Bordure
Au cours des étapes de plat, sur le Tour de France par exemple, on entend parfois qu’un leader a été victime d’une bordure. Faire une bordure, c’est mettre en place une stratégie de course dont le but est de provoquer une perte de temps pour le leader d’une équipe adverse. Concrètement, plusieurs coureurs de l’équipe qui provoque la bordure profitent d’un fort vent de côté pour rouler à fond. Les coureurs suivants, pour s’abriter, vont se placer derrière et surtout en décalé à gauche ou à droite selon la direction du vent. Prenant toute la largeur de la route, le groupe aura la forme d’un éventail. Mais tous les coureurs qui seront en bas de l’éventail se retrouveront dans les graviers du bord de la chaussée, voire carrément dans l’herbe, ou … seront contraints d’essayer de suivre sans être protégés du vent. Au bout d’un moment, beaucoup vont lâcher prise et se faire distancer. L’expression « je l’ai mis dans le vent » s’applique ainsi parfaitement à ce cas de figure.
– Bordurer
C’est serrer un concurrent contre le bord de la chaussée, voire à la pousser sur le bas-côté, pour le forcer à lâcher prise
– Borner
En référence aux bornes kilomètriques qui matérialisaient les distances routières, faire des distances significatives à l’entraînement c’est: borner, faire des bornes.
– Bosse
Une bosse est un col ! Quand on dit qu’il y a de la bosse sur un parcours, c’est que ça grimpe beaucoup. En montagne, cela signifie qu’il y a plusieurs cols à franchir.
– Bouts droits
Tirer des bouts droits, c’est rouler vite pendant de nombreux kilomètres sur des grandes lignes droites, sans demander des relais. Généralement, spécialité des rouleurs sur le plat. Le peloton va donc s’étirer en une longue file. Cela se pratique également en montagne dans un objectif de protéger le leader de l’équipe.
– Bracasse
Gros braquet.
– Brûler le ravitaillement
C’est profiter du ralentissement occasionné par la zone de ravitaillement (prise de musette en course, espace ravitaillement sur les cyclosportives) pour s’échapper.
– Buis
Prendre un coup de buis, c’est subir une défaillance soudaine. Dans cette sorte de dico du vélo, on trouvera d’autres mots pour dire ma même chose. Par exemple, prendre un coup de grisou.
C
– Caillasse
Rouler dans la caillasse, c’est être contraint de rouler sur le bas-côté de la route afin de rester à l’abri, dans un éventail ou bordure. Le risque est de se faire éjecter du groupe, et donc de perdre du temps.
– Caisse (se faire sauter)
Rouler la caisse c’est avancer à très vive allure. A ce rythme, au bout d’un certain temps, ça ne va plus le faire: c’est la rupture, le cycliste « explose ».
– Caisse à savon
On dit d’un cycliste qu’il descend comme une caisse à savon quand il montre son peu d’aisance et d’habilité pour ce genre d’exercice: trajectoire aléatoire, hésitations, freinage intempestif et à contre-temps, comportement dangereux.
– Canette
Lorsqu’il fait très chaud, on boit beaucoup plus sur le vélo. Les 2 bidons ne suffisent pas. Alors, tous les moyens sont bons pour obtenir de quoi boire: s’arrêter à une fontaine ou dans un bistrot, demander aux spectateurs, voire aux adversaires. D’où l’expression: chasser la canette.
– Carafe (rester en carafe ou en rideau)
Ne plus être dans le coup, ne plus jouer de rôle dans la course qui se joue. Rester loin derrière, loin de la scène (allusion au côté théâtral du cyclisme).
– Carpette (se mettre)
Pour appuyer à fond sur les pédales, sans s’économiser, le cycliste s’allonge sur le vélo, quasiment à plat-ventre.
– Carré (pédaler carré)
Quelque fois le cycliste a l’impression de pédaler carré (sur un pédalier rond, pas ovale). Cela peut provenir d’une fatigue, ou d’une position mal adaptée sur le vélo. Les points morts en haut et en bas du pédalier passent mal, de façon saccadée. Le coup de pédale n’est pas fluide, « ça ne tourne pas rond » !
– Cartouches (griller ses)
Attaquer en puissance à plusieurs reprises pour sortie du groupe, parfois en vain.
– Casse-pattes
Un parcours « casse-pattes » alterne continuellement les terrains (succession de petites bosses, faux-plats, nombreux changements de direction, etc…). Exigeant, demandant beaucoup de concentration (le cycliste est toujours en prise), il ne donne que peu de possibilités de récupération.
– Cerise
Se refaire la cerise, c’est récupérer, retrouver de bonnes sensations après un moment de « moins bien » ou carrément dans le rouge.
– Chacal (coup de)
C’est la pratique qui consiste n’a n’attaquer que dans le dernier kilomètre (ou les 2 derniers) et, au final, remporter la course.
– Chasse patate
Le coureur que l’on dit être en chasse patate se trouve entre deux groupes, en général les échappés et le peloton. Voulant, seul, parvenir à rejoindre le groupe de devant, son effort est vain la plupart du temps.
– Chaudière
L’expression « ce coureur est une chaudière » signifie qu’il est soupçonné de dopage.
– Chauffer le 11 dents
C’est rouler en puissance sur le plus gros braquet, le 11 dents étant actuellement le plus petit pignon de la cassette. Avant, c’était le 13, puis le 12 dents. Mettre tout à droite, cela revient au même; de même que mettre la plaque si cela s’accompagne du petit pignon.
– Classe (faire parler la)
Dominer ses adversaires, sans l’aide de ses équipiers.
– Client
Un client désigne un coureur de très bon niveau, capable d’une belle performance.
– Coincer
C’est connaître une défaillance soudaine. On dit aussi « sauter » , ou « exploser » ce qui est pire.
– Contre (faire un contre)
Réagir à une attaque par une autre attaque immédiate. Par exemple, placer un démarrage puissant juste après un sprint intermèdiaire.
– Coup
Se mettre dans le coup, c’est entrer dans une alliance de circonstance – illicite – qui se noue parfois dans une échappée. Les tractations entre coureurs ont pour but, dans cet exemple, de se partager les gains à l’arrivée.
– Couper
Couper, c’est ne pas faire de vélo pendant quelques jours, voire plus, pour mieux repartir après une période de fatigue dont la cause peut être causée par le surentraînement.
– Coups (sauter dans les)
Pour espérer prendre la bonne échappée, prendre sa chance en suivant (en début de course souvent) toutes les tentatives de sorties du peloton.
– Cramé
Etre cramé, c’est être épuisé, sans ressources physiques (et mentales). Ce peut être le cas au terme d’une saison très chargée ou, lors d’une épreuve, quand les forces manquent pour jouer les premiers rôles, simplement suivre les meilleurs, voire pour terminer.
– Crêpage de guidon
Sprint échevelé. (Source: Jours de fête – La grande histoire du Tour de France – Chronique Editions – page 79).
– Cuisses
Avoir les grosses cuisses signifie que les cuisses sont particulièrement douloureuses après un effort violent.
– Cul
Le coup de cul est une courte montée. Cette expression s’emploie pour passer un talus (montée de 100 mètres ou de quelques centaines de mètres seulement, mais qui peut être pentu) en levant les fesses de la selle. Cela n’a rien à voir avec la bosse, qui est tout simplement une vraie grimpée, et souvent un col.
– Culotte
Marquer à la culotte, c’est calquer ses efforts sur ceux d’un coureur en particulier: le suivre de prés, surveiller « ses faits et gestes ». C’est une tactique pas toujours appréciée … par le coureur ainsi suivi au plus prés.
D
– Danseuse
Position du cycliste fréquemment utilisée pour grimper les cols, comme Pantani et Contador par exemple. En se levant de la selle, debout sur les pédales, la force de levier est différente de celle obtenue en étant assis. Mais tous les coureurs n’utilisent pas cette position, certains préférant grimper assis tel l’allemand Jan Ulrich
– Débloquer (se)
Il y a des périodes où le cycliste n’a pas de bonnes sensations, il n’avance pas, tourne « carré ». Le remède – sauf bien sûr si les causes sont plus profondes et relèvent d’un problème de santé – peut simplement consister, la veille d’une épreuve, à faire 2 séries de 15 minutes à intensité assez élevées. Bonne transpiration assurée, et amélioration du coup de pédale le lendemain.
– Déboîter
C’est se dégager par l’arrière quand, dans un groupe, on est coincé entre le bord de la chaussée et un autre cycliste. Manoeuvre pour attaquer ou sprinter.
– Déshérités
Appelés également les abandonnés, les isolés, les ténébreux, les déshérités étaient les coureurs des premiers Tours de France qui étaient considérés comme des figurants, des sans-grade, des seconds couteaux. (Source: Jours de fête – La grande histoire du Tour de France – Chronique Editions – page 79).
– Diesel
Le coureur « diesel » suit sans trop de problème le peloton, dès lors qu’il est bien échauffé et calé dans les roues. En revanche, il a du mal à accélérer. Carburant au diesel, il a peu d’injection, ce qui l’empêche de gicler, de tenter de s’échapper.
– Distancer (se faire distancer à la pédale)
Lâcher le groupe à la régulière, par manque d’énergie.
– Drapeau
Faire le drapeau, c’est se maintenir difficilement dans la roue d’un plus costaud. Ce cycliste donnera l’impression de flotter au vent.
– Dur
Etre dans le dur, c’est être à la limite de ses capacités ou dans la zone rouge (au-delà de sa fc max). Les sensations sont mauvaises, la qualité de performance médiocre. Durablement et à répétition, cela peut être dangereux pour sa santé.
E
– Eau claire
Rouler à l’eau claire (et au pain), c’est refuser toute forme de dopage. Christophe Bassons s’en tenait à ce principe, ce qui lui a valu beaucoup d’inimitié au sein du peloton, pour ne pas dire plus.
– Echappée
Coureur ou groupe de coureurs qui s’est porté à l’avant de la course, en distançant le peloton.
– Eclat
Prendre un éclat, c’est subir une défaillance soudaine.
– Elastique
On dit qu’un coureur fait l’élastique lorsqu’il alterne présence dans le peloton et lâchages successifs. Généralement l’élastique « casse », le coureur ne pouvant « rentrer » à la suite d’une énième accélération devant.
– Emballage
Sprint disputé par un groupe de coureurs.
– Emmener un sprint
Jouer le rôle de poisson pilote, en roulant à vive allure, pour mettre son sprinter dans les meilleures conditions, c’est-à-dire qu’il soit placé dans les premières positions au moment de lancer le sprint final pour la victoire.
– Enrhumer
Passer très vite près d’un concurrent en le « déposant » se dit: l’enrhumer. Ne pouvant vous suivre, il ne sentira votre souffle qu’un court instant, ce qui sera vexant pour lui.
– Enrouler du braquet
Mettre le plus grand braquet et pédaler avec une rpm (rotation par minute) élevée pour prendre de la vitesse.
– Entamer
Etre entamer, c’est considérer qu’on n’était pas au maximum de sa forme et de ses possibilités pour expliquer une moindre performance.
– Ecraser les pédales
Fournir un effort intense: avec un gros braquet, pédaler en force.
– Eventail
Pour se protéger d’un vent de 3/4 face, chaque coureur d’un groupe va se positionner du côté opposé, au niveau de l’axe de la roue arrière du concurrent qui le précède, en diagonale. La figure ainsi constituée prend toute la largeur de la route.
– Exploser
a) – Ne plus être capable de suivre le rythme. Au préalable, le cycliste aura été dans le dur, puis dans le rouge.
b) – Faire exploser le peloton: un démarrage puissant va obliger les adversaires à s’employer pour ne pas se laisser décrocher. Cela provoque souvent une débandade: le peloton va éclater en plusieurs groupes.
F
– Faire
On emploie ce verbe en compétition pour indiquer qu’on participe aux classements annexes: faire le grimpeur, faire le sprint (classement par points).
– Fenêtre
Passer par la fenêtre est une expression qui montre l’incapacité d’un coureur à suivre le rythme imposé par ses adversaires.
– Fer
On dit parfois d’un cycliste qu’il descend comme un fer à repasser. Cela signifie que ses trajectoires ne sont pas fluides, qu’il descend avec lourdeur, ne freine pas à bon escient, qu’il manque d’élégance et par suite d’efficacité. A l’inverse, un bon descendeur bascule correctement le corps à gauche ou à droite selon les virages, est détendu, vigilant, freine et relance aux bons moments. Très fluide sur sa machine, il gagne beaucoup en efficacité.
– Flèche
Mettre la flèche, c’est abandonner.
– Flinguer
a) – C’est attaquer, placer des démarrages, parfois à tout va.
b) – Flinguer les autres coureurs, c’est les lâcher tous pour aller, seul, gagner la course
– Forçats de la route
Albert Londres, reporter engagé du 1er tiers du 20ème siècle, popularisa cette expression dans l’article qu’il écrivit dans Le Petit Parisien lors du Tour de France 1924, après sa rencontre avec les frères Pélissier, au Café de la Gare à Coutances. Au moment de leur abandon, les Pélissier ont décrit leurs conditions de coureurs d’une manière tellement épouvantable (« courir comme des brutes, geler, étouffer », « nous marchons à la dynamite », « nous sommes blancs comme des suaires », « la viande de notre corps ne tient plus à notre squelette », etc…) que A.Londres employa le terme de forçats de la route. (source: L’Equipe – 2002 – Tour de France 100 ans – 1903-1939 – un candide chez les forçats, page 149)
– Fringale
C’est une faim subite et pressante, provoquée par une forte baisse du taux de glucose dans le sang (hypoglycémie). Le cycliste qui ne s’est pas alimenté normalement n’arrive plus à avancer. C’est le coup de bambou dû à la fringale.
– Frotter
C’est ne pas hésiter à rouler au milieu d’un peloton, proche des roues, ne pas craindre toucher les autres cyclistes avec le coude.
– Fusil (coup de)
C’est la même chose que flinguer: attaquer violemment pour sortir du peloton (ou du groupe dans lequel on se trouve). Parfois le coureur qui a mis un coup de fusil manque de cartouches un peu plus loin …
G
– Garder
En garder sous la pédale, c’est gérer ses efforts afin de s’économiser, et de garder des réserves en vue de certains moments qui seront plus exigeants: élévation du rythme, montée, attaque, etc… Pour ce faire, le cycliste se retient, pédale en souplesse, se protège du vent.
– Gauche (mettre tout à)
Pour pouvoir passer en montagne des secteurs très pentus, le cycliste est amené à mettre le plus petit des 2 ou 3 plateaux, et le plus grand pignon de la cassette: il est donc tout à gauche.
– Giclette (avoir la)
Etre capable de s’extraire du peloton à vive allure, en « giclant » vers l’avant, et de poursuivre durablement l’effort.
– Gregario
Le gregario, subordonné en français, est un terme qui s’emploie pour désigner un coureur dont le travail essentiel dans l’équipe, voire exclusif, est d’aider le leader du team à atteindre ses propres objectifs. C’est l’équipier. Il a pour rôle d’aider le coureur en lui apportant des bidons et de la nourriture, et également lui passer son vélo en cas de crevaison ou problèmes mécaniques.
Lors des étapes du Tour de France, on voit ainsi les équipiers se laisser glisser à l’arrière du peloton, se charger de bidons auprès des voitures des directeurs sportifs, puis produire un effort pour revenir près de leurs leaders.
– Concours de grimaces
Le rythme est très élevé, les attaques viennent de partout, tout le monde est constamment en prise. Et pour illustrer la situation, les visages témoignent des efforts consentis.
– Grisou
Une défaillance peut s’appeler un coup de grisou.
– Grupetto
Le grupetto c’est le peloton, parfois imposant, qu’organisent des coureurs (il y a des spécialistes pour ça) afin d’amener à l’arrivée et dans les délais les concurrents – toutes équipes confondues – qui ne parviennent pas ou plus à suivre les meilleurs, dans une étape de haute montagne par exemple. On dit aussi que les coureurs concernés montent dans l’autobus (cf aussi ce mot).
J
– Jambe (monter sur une)
Pour frimer devant ses copains, dire qu’on a grimpé un col sur une seule jambe c’est insister sur la facilité avec laquelle on a pédalé.
Plus sérieusement, c’est un exercice qui consiste à pédaler tantôt avec une jambe, tantôt avec l’autre dans le but d’améliorer ses qualités neuromusculaires. C’est très dur.
– Joie (pédaler dans la)
Etre en grande forme et emmener du braquet avec beaucoup de facilité.
L
– Lanterne rouge
Le coureur qualifié de lanterne rouge est le dernier du classement général d’une épreuve. C’est par analogie avec la lanterne rouge qui équipe le dernier wagon d’un train que ce terme a été employé. Un certain Devilly serait l’un des premiers coureurs à avoir été gratifié de ce terme en 1910.(Source: Jours de fête – La grande histoire du Tour de France – Chronique Editions – page 79).
Sur le Tour de France on a vu, après Guerre (la seconde Guerre mondiale) des coureurs se « battre » pour être lanterne rouge, plutôt qu’avant dernier. En effet, à l’époque des nombreux critériums d’après Tour (source de rémunération importante pour les coureurs), la lanterne rouge était une vedette que les organisateurs voulaient absolument avoir dans leurs engagés.
– Limonade
Tomber en limonade signifie la même chose que passer par la fenêtre (cf ce mot)
M
– Mafia (être dans la)
Faire partie des coureurs d’équipes différentes mais alliés ponctuellement, pour ne pas laisser gagner les autres concurrents. Ce type de pratique dépend des circonstances de course.
– Manivelles
Une partie de manivelles correspond à une sortie musclée: on roule de façon très soutenue, et même à bloc.
– Marteau
Le coup de marteau à l’origine, puis l’homme au marteau par la suite, désigne la défaillance que connaît un coureur en compétition. L’expression « le coup de marteau » a été utilisée par Eugène Christophe en 1906 pour qualifier la défaillance d’un participant au Tour de France, Anthony Wattelier. L’homme au marteau, c’est nettement plus fort que le coup de pompe. (source: Jours de fête – La grande histoire du Tour de France – Chronique Editions – 2012 – page 79)
Dessin de René Pellos, « l’homme au marteau » ou « la sorcière aux dents vertes ». Source:http://choletvelosport.free.fr/expres/expres1.htm
– Mécanique
Il y a des coureurs qui bricolent leur vélo durant la course, car ils considèrent que quelque chose ne va pas bien. On dit qu’il fait de la mécanique.
– Métier
* Faire le métier, c’est d’abord consentir des sacrifices en suivant un régime strict, et éviter tout excès. Sur le vélo, c’est accepter de prendre des relais, de jouer à fond son rôle d’équipier (si c’est le cas), ne pas faire une épreuve en dedans (ne pas « tricher »).
* En cas de déboires – chute, conséquence d’une erreur tactique, perte de sa place en queue de peloton, etc … – on dit que c’est le métier qui rentre.
– Mettre en route
Quand une équipe (ou le peloton derrière les échappés) passe d’un train relativement tranquille à un rythme très soutenu, on dit qu’elle met en route. L’objectif est alors de rejoindre les échappés.
– Meule
En mettre un coup sur la meule, c’est accélérer fortement l’allure, sur le grand plateau du pédalier.
– Millimètre
Courir au millimètre, c’est l’art de ne pas trop en faire, ni pas assez en fonction des adversaires. Utiliser ses forces physiques et tactiques de façob optimale, ça permet de courir finement.
– Minable (se mettre)
A fond, sans s’économiser – pour ramener son leader – le coureur va s’allonger sur le vélo, se mettre carrément à l’horizontal. Quand il aura terminer son boulot, il y a fort à parier qu’il sera cramé.
– Montrer le maillot
Se détacher devant le peloton pour être vu du public et surtout des sponsors, notamment au début de la retransmission d’une épreuve.
– Morts (ramasser les morts)
Le cycliste qui a su gérer ses efforts en fonction de ses capacités et qui, sur le final d’une épreuve, rejoint des concurrents particulièrement épuisés, en hypoglycémie, dépasse des « morts de fatigue ».
N
– Nuit
Finir la nuit, c’est terminer seul, lâché par tous. On dit aussi se retrouver à la campagne (ou à la pampa, cf ce mot).
O
– Oreilles
Pédaler avec les oreilles, c’est se dodeliner de la tête en accompagnant le mouvement: signe de fatigue.
P
– Pampa
Terminer dans la pampa c’est se retrouver seul, loin à l’arrière d’une cyclosportive par exemple, tellement en retard que les signaleurs normalement présents à certains carrefours sont partis. Un grand moment de solitude !
– Pancarte
Un coureur identifié comme l’un des favoris d’une épreuve est repéré dans le peloton comme s’il avait une pancarte dans le dos.
– Patapon
Terme employé pour caractériser les cyclistes maladroits et peu à l’aise au plan technique et tactique.
– Patinette
Faire de la patinette, c’est se cacher dans le peloton, donner l’impression de participer activement, mais en fait de se laisser « porter » par le mouvement.
– Patte (avoir la)
Avoir le coup de pédale aérien dans les cols. C’est le jour où le coureur est dans un grand jour. On dit aussi qu’il « voltige ».
– Pavés (compter les)
Avancer à faible allure quand on est « cuit ».
– Pédale(en garder sous la)
Ne pas jeter toutes ses forces, se réserver pour la suite de la course. Rester dans les roues, ne pas prendre de relais.
– Péter
Etre décramponné d’un groupe, après s’être accroché au maximum. On quitte le groupe par l’arrière malgré tous ses efforts et sa volonté.
– Pipe (fumer la)
Pédaler avec une grande facilité, ce qui complexe les autres coureurs
– Planté
Etre planté veut dire qu’on n’avance pas, qu’on ne peut pas suivre. On a alors l’impression de faire du sur place.
– Plaque
Mettre la plaque, ou la grosse, c’est pédaler sur le grand plateau. Cela permet de rouler très vite en bénéficiant de la démultiplication mécanique des forces. Utile pour démarrer et/ou progresser à vive allure sur un grand braquet.
– Poisson pilote
Coureur chargé d’emmener le sprinteur de l’équipe dans le final d’un sprint. Arrivé à quelques dizaines de mètres de la ligne, le poisson pilote s’écarte sur le côté après avoir fourni son effort et placé son sprinteur dans les meilleurs conditions possibles pour pouvoir l’emporter.
– Pont d’autoroute
En plaine, il n’y a que les ponts d’autoroute ou de chemin de fer pour se tester en bosse. Mais certains grimpent si mal qu’on dit qu’ils ne passent pas les ponts d’autoroute.
R
– Raidard
Le raidard est un raidillon, un passage particulièrement pentu.
– Ramener
Le leader d’une équipe qui a raté la bonne échappée peut demander à ses équipiers de rouler pour le ramener au devant de la course, par exemple dans le groupe de tête. C’est ce qu’on appelle se faire ramener.
A l’inverse, ramener un adversaire sur le groupe de tête, c’est forcément mal vu … par son directeur sportif et ses co-équipiers.
– Rat
Courir en rat, c’est se planquer dans les roues, s’économiser. Selon le cas, ce sera pour limiter ses efforts un jour sans, ou être malin, et carrément avare avec une arrière pensée pour la suite de l’étape. Profiter du travail des autres, ce n’est pas vraiment apprécié dans les pelotons…
– Rentrer
Pour un coureur, un moment décroché du peloton, qui parvient à revenir sur celui-ci, on dit qu’il est rentré.
– Rondin
Se caler dans le rondin, par analogie avec le rouleau fixé à l’arrière des motos utilisées par le passé en demi-fond sur piste. Sur route, c’est se placer au plus près de la roue arrière d’un coureur.
S
– Salade de bicyclettes
Chute collective, avec enchevêtrement des vélos. (source: expression ancienne due à Georges Rozet, 1ère décennie du 20ème siècle).
– Sauter
Ne plus être capable de suivre le rythme imposé par le groupe auquel on appartenait.
– Savate (avoir le coup de)
Sprinter de façon explosive et avec beaucoup de puissance.
– Scotché
On est scotché à la route quand on n’est pas en forme, qu’on n’avance pas, et qu’on n’a pas de bonnes sensations.
– Sec (être sec)
Etre allé jusqu’au bout de ses efforts sans avoir pu atteindre son objectif. Au bout de ses forces, vidé, l’expression explique la contre-performance.
– Soleil (faire un)
Tomber de son vélo en passant par-dessus le guidon
– Sorcière aux dents vertes
Jean Alavoine avait appelé « guigne aux cheveux verdâtres » la poisse, la malchance dont il avait été victime en 1914 (source: Jours de fête – La grande histoire du Tour de France – Chronique Editions – 2012 – page 79).
Par la suite, c’est l’expression « sorcière aux dents vertes » qui s’est imposée pour désigner la malchance mais aussi la défaillance, grâce notamment aux dessins de René Pellos et à l’écrivain Antoine Blondin. La sorcière aux dents vertes est devenue une sorte de personnage mythique que rencontre le coureur victime d’un grosse défaillance (source: Expressions du cyclisme – Paul Fabre – Christine Bonneton Editeur – 2004)
– Sortir
Sortir du peloton, c’est s’échapper en attaquant (donc devant).
A l’inverse, se faire sortir c’est être éjecté du peloton. Quand un coureur placé en queue de peloton ne peut suivre, il est éliminé par l’arrière. Cela se fait à la suite d’un mauvais placement lors d’une bordure, ou parce que le coureur est à court de forme ou blessé.
– Sucer les roues
Suivre de très près un cycliste ou un groupe de cyclistes sans vraiment forcer, bien à l’abri dans les roues, en se contentant de maintenir l’allure.
T
– Talus:
Dans le monde du cyclisme, un talus (ou un pont d’autoroute) est une toute petite côte. Alors, quand on dit qu’un cycliste ne passe pas un talus, c’est qu’il ne parvient pas à suivre un groupe lorsque le rythme s’élève sur des pentes inférieures à 3%.
– Taper dedans :
Attaquer à fond, sans s’économiser, pour tenter de s’échapper. Le cycliste qui tape dedans ne calcule pas, il roule à bloc en puisant dans ses réserves.
– Tourner les jambes
C’est utiliser des petits braquets pour bien pédaler (bien rond) en moulinant. Cela permet de bonnes séances d’entrainement, surtout en début de saison et ça peut permettre de s’économiser lors d’une épreuve.
– Tout à …
Mettre tout à droite, c’est pédaler avec le plus grand braquet, en descente par exemple. Mettre tout à gauche, c’est le plus petit braquet qui permet de mouliner et aussi mieux passer les plus gros pourcentages de la route.
– Trou (réussir à faire le)
Parvenir à creuser un écart significatif avec ses poursuivants.
V
– Varices
Lorsqu’un cycliste se fait très mal aux jambes en pédalant comme un forcené, on peut dire qu’il se fait péter les varices. Cette expression très imagée tient au fait que la pression veineuse augmente fortement dans ces circonstances.
– Vent (prendre le vent)
Le cycliste qui roule seul ou en tête d’un groupe, avec le vent de face ou de travers, « prend le vent ». N’étant pas protégé, il doit fournir beaucoup d’efforts qu’il paiera par la suite.
– Visser
Pédaler dur, très dur même, pendant de longues portions de routes.
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Louis
5 réactions au sujet de « Le jargon du vélo »
Amoureux de la grammaire, du vocabulaire et de la conjugaison je suis tombé par hasard sur votre site. Je me suis bien amusé à parcourir ces différentes expressions que l’on rencontre parfois dans le language courant. Pour d’autres c’était une véritable découverte pour moi 😉 Merci pour ce partage de bons mots et de belles expressions. De mon côté je gère un site internet sur la grammaire et la conjugaison donc bien loin du vélo mais on fait de belles découvertes chaque jour.
Bonjour et merci pour ce commentaire sympa. J’ai encore d’autres expressions en stock; il faudrait que je fasse une mise à jour de mon article.
J’irai voir votre site. Moins passionné que vous sur votre thématique, je défends aussi, à ma manière, notre belle langue française. IL faut la défendre encore et toujours.
Cc’
Faisant de la bicyclette, Je suis tombé sur votre site parce que j’ai cherché l’expression « Tout au plus pourrait-on critiquer le choix de traduction, un peu étroit pour la route. Cependant, ce n’est pas un défaut du produit, mais est dû à la fixation un peu malheureuse du plateau 36/26 par Shimano. » et j’ai cherché le terme « traduction » mais, je ne l’ai pas trouvé dans votre dictionnaire … Est-ce un terme nouvellement utilisé ?
Merci de votre réponse, bonne journée
Joo
Hey les passionnés de vélo, je viens de tomber sur un trésor pour tous ceux qui, comme moi, adorent plonger dans les subtilités du jargon cycliste. ♂️ J’ai découvert un article super intéressant qui compile pas moins de 130 termes et expressions propres au cyclisme, allant du très connu au plus pointu. C’est fascinant de voir comment notre passion pour le vélo s’accompagne d’un langage si riche et spécifique, reflétant l’histoire, les défis et l’esprit de notre sport.
Le jargon cycliste, c’est tout un univers à lui tout seul. Si tu débarques dans une conversation entre passionnés sans connaître les codes, bon courage pour comprendre qu’un « grimpeur » n’a rien à voir avec l’escalade, qu’un « rouleur » ne travaille pas dans une pizzeria, ou que « se mettre dans le rouge » ne signifie pas simplement être fatigué.
Et puis il y a des expressions presque poétiques, comme « sucer la roue » (promis, rien de bizarre là-dedans) ou « avoir la pédale douce ». Sans parler des termes hyper techniques : braquets, pignons, peloton… C’est un mélange de stratégie, d’effort et de folklore.
Le pire ? Quand un cycliste expérimenté te sort une phrase du genre : « J’ai roulé sur le 50×11 en mode danseuse sur la bosse, mais j’ai explosé en haut. » Traduction : il est monté debout sur les pédales, mais il a fini sur les rotules. Bref, le cyclisme, c’est bien plus que du sport, c’est une langue qu’il faut apprendre à parler !