Choisir de rouler en pneu ou en boyau

Choisir de rouler en pneu ou en boyau

J’ai déjà consacré ici plusieurs articles sur le choix des roues en général, et des roues en carbone en particulier. Mais avant de s’intéresser à cette question – en tout cas, parallèlement – on devrait peut-être se poser la question de savoir si l’on veut rouler avec des roues équipées de pneus ou de boyaux. Sans être rédhibitoire, la réponse dicte en partie le choix du boyau ou du pneu. Deux éléments viennent en particulier impacter fortement cette problématique. D’une part, la tendance – déjà observée depuis plusieurs années – aux roues en carbone se développe pour (quasiment) toutes les utilisations. D’autre part, un choix de type de roues mûrement réfléchi repose sur un certain nombre de critères, au premier rang desquels on placera la pratique du cycliste concerné.

Rouler en boyau ou en pneu (il y a aussi le pneu tubeless qui présente bien des qualités, mais qui a encore du mal à s’imposer), ce n’est évidemment pas la même chose à bien des égards. Mais avant de comparer ces 2 pneumatiques, on se souviendra qu’il y a une quinzaine d’années, le pneu était en train de supplanter le boyau, le premier cité ayant fait d’énormes progrès. En effet, dans leur quête sans fin d’un rapprochement des qualités intrinsèques du pneu avec le boyau, les services R&D des manufacturiers ont obtenu de réels succès. A tel enseigne qu’un fabricant italien de pneus n’hésite pas à indiquer que ses produits haut de gamme sont comme des boyaux « ouverts ».

Ainsi, au début des années 2000, beaucoup d’équipes pros équipaient leurs coureurs de roues à pneu. Mais l’arrivée des roues en carbone a vraiment changé la donne. Le composite, qui offre des gains importants en matière de légèreté, rigidité, aérodynamisme, a pour effet de modifier singulièrement le comportement des vélos qui en sont équipés. Cette évolution technologique a donc eu pour effet de relancer le boyau qui, historiquement, a certes toujours eu les faveurs des coureurs professionnels (et pas seulement).

Enfin, l’ensemble roue/pneumatique formant un tout – c’est en fait plutôt nouveau comme conception dans le cyclisme, et pourtant … – des constructeurs se sont récemment mis à commercialiser une telle offre globale. Ajouté au fait que les fabricants de roues carbone développent leur savoir-faire pour élargir la communauté des utilisateurs des roues composite, on voit que le pneu a les atouts pour revenir en force.

Alors, pour nous cyclosportifs et cyclotouristes, boyau ou pneu ? Voici quelques éléments qui vous permettront d’y voir, je l’espère, plus clair.

1 – « Radiographie » du pneu et du boyau

 Si, une fois montés sur la jante, le pneu et le boyau ne se distinguent pas toujours lors d’un rapide premier coup d’oeil (quoique qu’un excédent de colle peut déborder sur les flancs), leur conception est très différente.

11 – Le pneu

Le pneu est une enveloppe ouverte qui se positionne sur une jante dédiée, celle-ci comportant sur les bords des crochets destinés à retenir le pneu à l’intérieur. Ce maintien est permis par la présence à chaque extrémité lattérale du pneu d’une tringle rigide (câble d’acier) ou souple (aramide). Une protection gaine la tringle.

Le pneu se compose d’une carcasse en fils naturels (soie sur pneus haut de gamme) ou en nylon (majorité des cas), d’un renfort anti-crevaison, de la chape. Cette dernière est collée ou vulcanisée.  Pour constituer la carcasse, les fils  sont rangés parallèlement les uns aux autres ou tissés. La densité de la carcasse s’évalue au nombre de fils en pouce, ou TPI (thread per inch). Quand les fils sont de gros diamètre, ils sont moins nombreux, d’où une carcasse plus lourde et raide. A l’inverse, un TPI plus important génère un pneu plus souple, offrant une meilleure qualité de roulage.

Pour la chape, il existe une grande variété de gommes. Selon les propriétés privilégiées dans le choix de la gomme, le pneu réagira diféremment s’agissant des paramètres suivants: adhérence, tenue de route selon les circonstances (routes sèches, humides, présence de flaques d’eau, chaleur ou froid), résistance au roulement (perte d’énergie), abrasion, endurance, exposition au risque de crevaison.

Le train roulant traditionnel est complété par une chambre à air. Par contre, cet élément est supprimé dans la solution tubeless dans laquelle les tringles, très ajustées, assurent l’étanchéité de l’ensemble.

Quelques précautions: ne pas stocker plié un pneu; à l’usage et avec le temps les flancs présentent des craquelures et les tringles se détendent; changer le ruban de jante et la chambre à air en même temps que le pneu.

12 – Le boyau

Le boyau est, comme son nom l’indique, un tube cylindrique (fermé par une couture ou par le système de fabrication employé) comportant exactement les mêmes composants que le pneu, soit: une carcasse en nylon (ou en soie, ou mixte: coton, polyester), un renfort anti-crevaison et la chape.  La chape et la carcasse sont vulcanisés. Mais pour les boyaux cousus la chape est collée à la main. La partie reposant sur la jante reçoit une bande tressée pour le collage du boyau. Et, à l’intérieur est insérée une chambre à air, souvent en latex.

Pour le boyau on utilise une jante différente. Celle-ci possède un profil arrondi sur lequel est collé le boyau.

Même lorsqu’il est produit de façon industrielle, le boyau demande un savoir-faire pointu (afin, par exemple, qu’il tourne parfaitement rond).

Quelques conseils: le boyau collé à la main impose d’attendre 6 mois avant de l’utiliser (à l’abri de la lumière et de l’humidité, monté sur une jante et gonflé); à l’inverse, le boyau vulcanisé s’emploie sans délai de latence; le collage du boyau sur la jante impose un sèchage avant emploi; dont la durée varie selon le pnaumatique, ce collage n’est pas « éternel » (à refaire tous les semestres); un boyau non utilisé ne doit pas rester plié (risque de coupure).

2 – Qualités routières

Bien que la partie du pneumatique au contact de la chaussée soit de même nature aussi bien pour le pneu que pour le boyau (ensemble carcasse, renfort et chape), l’un et l’autre ne se comportent pas de manière identique au roulage. Les deux produits constituent une sorte de ballon d’air qui atténue les chocs sur la route. Cependant, entre le boyau qui est un boudin rond fermé et le pneu qui lui est ouvert, les propriétés ne sont pas identiques en terme de tenue de route, confort, etc…

Du fait de la conception de sa carcasse, le pneu est rigide; tout se joue sur la chape. Celle-ci a plusieures densités de gomme, ce que permet la juxtaposition de bandes parallèles sur le pneu. On obtient le grip (accroche sur la chaussée pour la tenue de route) en inclinant le vélo dans les virages. On dit « prendre de l’angle ». Précisons que le pneu doit être gonflé selon le poids de l’utilisateur et surtout dans la fourchette mentionnée par le constructeur. En gonflant au-dessus, le risque de glisse s’accroît (perte d’adhérence et de confort, perte de motricité car la roue rebondit); au-dessous, le confort est meilleur mais: prise d’angle plus difficile, sensibilité aux crevaisons, relances plus molles, perte de tonicité.

D’où: choisir plutôt des pneus de section 25 mm, utiliser des chambres à air en latex, respecter les consignes de gonflage.

Le comportement du boyau est différent car, n’ayant pas la rigidité du pneu, il est amené naturellement à bouger dans tous les sens. Il aurait tendance à dériver latéralement (d’où l’importance du collage) et à s’enfoncer (faiblement) de haut en bas. Avec un boyau, on peut – grâce à sa structure – rouler un moment en étant sous-gonflé ou même à plat, mais le pneumatique et la jante n’apprécieront pas longtemps.

D’une manière générale, le boyau épouse mieux le relief de la chaussée. Cela est dû à la déformation que permet la conception du boyau, cette caractéristique étant accentuée par la présence d’une chambre en latex.

Le boyau, qui est à gonfler avec moins de pression (5 à 6 bars), s’avère plus confortable et offre de bonnes sensations dans les relances. On tourne aussi plus facilement, en souplesse et progressivement. Pas besoin de la prise d’angle particulière dont j’ai parlée pour le pneu. Sur route mouillée, l’adhérence peut parfois laisser à désirer; on l’améliorera réellement en sous-gonflant légèrement le boyau, ce qui augmentera la souplesse du train roulant. Mais sur les beaux macadams bien lisses, c’est un régal de rouler sur des boyaux.

3 – Performances

 Sachant que pour bon nombre d’entre nous l’adhérence est une des qualités principales demandées à ses pneumatiques, je commencerai par cette caractéristique. Comme on l’a vu plus haut, l’adhérence ou grip est bon sur les pneus à privilégier en mauvaise saison. En effet, les pneus « hiver » sont étudiés pour avoir une bonne accroche par temps froid et sous la pluie. Pour le boyau, c’est moins évident, mais on peut jouer sur la presson.

Ce qu’on attend également, c’est de ne pas crever. Grâce aux renforts anti-crevaison, les boyaux et les pneus ont fait beaucoup de progrès à ce sujet. Beaucoup de cyclistes ne jurent que par le pneu, certes aussi pour d’autres raisons, estimant que le risque de crevaison est moindre. Il faudrait certainement effectuer des études à grande échelle pour trancher. En discutant avec les uns et les autres et en lisant différents articles de la presse spécialisée, il apparaîtrait qu’on n’a pas plus de risque de crever avec des boyaux qu’avec des pneus. L’important se situe au niveau de la qualité des pneumatiques et précisèment sur les solutions retenues pour diminuer ce risque, les fameux renforts anti-crevaison (nylon, kevlar, vectran, aramide).

Pour être performant, le pneumatique doit avoir une faible résistance au roulement. De mes lectures – là-aussi – je retiens que c’est le pneu qui est le meilleur sur ce critère, à produit techniquement comparable. Cela viendrait du fait que la flexibilité des flancs du boyau serait génératrice d’une plus grande consommation d’énérgie par rapport à la rigidité de la carcasse du pneu.

Pour le confort, le boyau se montre supérieur, de part sa conception structurelle qui est de nature à bien filtrer les chocs. C’est cette souplesse, alliée au bon maintien de la roue au sol qui est à l’origine de ce confort.

Pour l’aérodynamisme, il faut surtout penser train roulant dans sa globalité. En effet, cette qualité dépend essentiellement du profil de la jante et de la traînée que l’ensemble génére.

Vient ensuite la question du poids. Là, il n’y a pas photo. Pour un même produit, c’est la version boyau qui sera la plus lègère. Pour le pneu, il faut totaliser le poids du pneu proprement dit, de la chambre, du ruban de jante. D’où, environ 60 grammes en plus pour chaque roue.

4 – Aspect pratique et coût

Avant de parler du coût, pensons pratique. Ce qui rebute souvent le pratiquant vis-à-vis du boyau, ce sont ses aspects contraignants: sèchage, positionnement ad hoc sur la jante, collage et … les conséquences d’une crevaison. Pas moyen de réparer un boyau sur le bord de la route. Il faut avoir avec soi un ou deux boyaux, ce qui prend plus de place que des chambres à air. On peut cependant limiter les risques de crevaison en utilisant un liquide préventif. C’est efficace. Quant à la réparation du boyau, ce n’est pas évident car il faut faire de la couture: découdre la cache tresse, réparer la chambre, remonter, coudre, collage. Il existe une solution simple, c’est d’employer une bombe de réparation.

Le pneu est d’une usage jugé plus pratique. Montage, démontage du pneu, introduction d’une nouvelle chambre ou collage d’une rustine sont des opérations traditionnelles; attention à ne pas pincer la chambre au remontage. On peut aussi utiliser une bombe à visée réparatrice ou un liquide préventif, mais les résultats sont moyens.

Enfin, au niveau du prix, il est clair que le boyau est plus coûteux que le pneu (avec chambre à air et ruban de jante s’il y a lieu. Il existe des boyaux à 35 €, mais il est préférable – pour apprécier  leurs qualités – de choisir dans les gammes supérieures, à partir de 70 €.  Certains boyaux dépassent les 100 € et même les 160 € l’unité.

Côté pneu, l’offre est très large, de moins de 10 à  60 € et plus pour certains modèles haut de gamme.

5 – Bilan

Au niveau des performances (confort, souplesse, poids), on peut avancer que le boyau est au-dessus du pneu. Mais pour les cyclosportifs et cyclotouristes, le bon choix reste bien sûr le pneu, pour son côté pratique. D’autant que l’on trouve de plus en plus d’excellents pneus, un peu chers certes, mais dont les qualités se rapprochent obstensiblement de celles du boyau. Le tubeless peut être perçu comme un compromis entre les deux types de pneumatiques. Mais comme je l’indiquais au début de cet article, il a du mal à s’imposer auprès des pratiquants. Des coureurs pros l’utilisent régulièrement … à l’entraînement, préférant le boyau en compétition.

Chacun choisira en « son âme et conscience« , mais il est bon d’avoir à l’esprtit les 2 ou 3 petites choses suivantes:

 – On roule en boyau avec des roues alu ou 100 % carbone;

– Pour les pneus, l’offre comprend des roues en alu, ou 100 % carbone, ou carbone/alu. Le choix de roues à pneu 100 % carbone est assez limitée: pour des raisons de sécurité, il faut épaissir le bord de la jante qui retient le pneu, ce qui augmente le poids; de plus l’élévation de la température de la jante au freinage peut être un problème (utiliser des patins « spécial carbone » et freiner par séquences et non de façon permanente dans une descente). L’offre de roues carbone/alu est en augmentation car elle corrige les inconvénients ci-dessus mentionnés, mais ces produits sont un peu plus lourds.

– Les roues destinées aux pneus tubeless sont spécialisées.

Enfin, on signalera une orientation récente, c’est le concept d’offre globale qui associe roue et pneu. Un grand manufacturier français s’est lancé il y a 2 ans environ sur ce créneau qui marche bien à tous points de vue.

Louis

(Publié le 3 juillet 2014)

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